samedi 10 mai 2025

Dômes de Miage, face nord

Face nord de Miage, 1000 mètres de dénivelé positif, inclinaison 45-50 degrés.
Ce n’est pas si souvent que je retourne skier dans le massif du Mont-Blanc, l’objet initial de ce blog. Il est loin le temps où j’amortissais mon forfait saisonnier Unlimited en collectionnant les grandes pentes du bassin d'Argentière, les couloirs du Tacul et les lignes freeride à l’Aiguille du Midi. Revenir dans ces secteurs desservis par des remontées mécaniques n’est pas ma priorité ; j’aspire à des descentes plus sauvages. Par exemple, la face nord des dômes de Miage, la formidable muraille de neige et de glace qui domine le val Montjoie.  

Comptez plus de 2500 mètres de dénivelé positif depuis la Gruvaz (à Saint-Gervais) pour fouler l’arête sommitale des dômes. Énorme bambée qui peut être réduite à 2000 mètres de D+ si vous disposez d’un 4x4 pour rouler sur une piste de terre et de cailloux jusqu’aux chalets de Miage. Je ne possède pas de Jeep ni de Toyota Land Cruiser et ne m’estime pas assez endurant pour tenter l’ascension d’une traite. Un abri existe à mi-chemin, à 2700 m sur la rive droite du glacier de Miage : le refuge de Plan Glacier. Il est blotti contre une paroi, enfoui sous des mètres de neige jusqu’à fin mai, parfois jusqu’à l’ouverture de la période de gardiennage mi-juin. 

Début mai, j’apprends au hasard du web que le refuge est accessible sans donner un coup de pelle. Surprenant, même si l’enneigement à moyenne altitude est faible cette année. Je gare ma Ford au parking pour randonneurs de la Gruvaz. Les chaussures sont fixées sur les skis ; les skis sont fixés sur le sac ; je vérifie que je n’ai pas oublié mon réchaud et les nouilles coréennes prévues pour le dîner. C’est parti pour un lourd et long portage en direction de Plan Glacier... 
Je vais passer une nuit fraîche au refuge de Plan Glacier, blotti sous une falaise à 2700 m.
En soirée, les nuages se dissipent, la face nord de Miage apparaît.
Le lendemain, tout seul à tracer la moitié de la face avant d'être relayé par Nicolas et Maxime partis cette nuit des chalets de Miage. Plus nous montons, plus la couche de poudre tassée s'épaissit.
Avec Nicolas, nous sortons sur l'arête sommitale des dômes, à plus de 3600 m. Un court passage, 50 mètres sous l'arête où nos crampons ont buté sur la glace, nous préoccupe un peu. Mais nous sommes déterminés à skier toute la face !
Premiers virages sur l'arête Mettrier, en touchant quelques cailloux cachés sous la neige fraîche, avant de plonger à droite dans l'immense face nord.
Dans la traversée raide et exposée menant à la vaste pente nord.
Nicolas en action, 50 degrés d'inclinaison environ.
On skie le long des séracs, à mi-pente.
Dans le tiers inférieur de la face, la pente s'adoucit.
Mon rêve de Miage s'achève. Plus de dix ans que je voulais skier cette face gigantesque et emblématique de la vallée de l'Arve !

samedi 5 avril 2025

Calotte des Agneaux, face nord-ouest, diagonale rive gauche

La diagonale rive gauche dans la face nord-ouest des Agneaux.

Retour à la Calotte des Agneaux. L'objectif, cette fois-ci, était de skier le couloir Piaget ou la face nord-ouest directe. Les conditions de neige n'étaient pas optimales ce jour-là. Il restait de la poudre dans la partie large de la pente mais le couloir supérieur de la voie directe était en sale état. Le puissant soleil de la veille et le gel de la nuit ont pétrifié la neige et les traces existantes (croûte vitreuse). J'ai pu faire quelques beaux virages tout en haut de la face en rive gauche sur une pente de neige dure saupoudrée de fraîche ; ensuite 200 mètres de mauvais ski jusqu'à une sorte de collu qui m'a permis de basculer dans un couloir vierge, raide et tout poudreux (a priori correspondant à la voie "Les Ricains roux").

Le jour se lève sur le pic de Neige Cordier quand je commence l'ascension de la face nord-ouest des Agneaux.
La pente supérieure de la directe nord-ouest en mauvais état.
Glacier blanc.
Ma calotte au sommet de la Calotte !

D'humeur vagabonde après ce beau passage, je décide d'explorer la rive gauche de la face nord-ouest au lieu de plonger dans l'entonnoir du Piaget par lequel j'étais monté. Je compte trouver une hypothétique sortie alternative entraperçue sur certaines photos. Après une longue traversée assez poudreuse, fractionnée par quelques nervures ou fines goulottes gelées, je skie une large pente ombragée en neige fraîche qu'il me faut rapidement quitter car elle verse sur une falaise que je contourne par une croupe sur ma droite. Ici, je retrouve la croûte vitreuse honnie. Pire, il me faut passer un ressaut pour accéder au couloir de sortie. Désescalade ? Rappel ? Je reste sur les skis, dégaine le piolet (extrêmement utile pour une fois) et ça passe même si mes carres étaient à la limite de décrocher sur cette surface labourée et vitrifiée.

Dans ces conditions, la sortie classique et goulottée du couloir Piaget aurait été plus aisée. Cela dit, cette diagonale rive gauche vaut le détour et mériterait de figurer sur les topos de ski dédiés à cette superbe face nord-ouest de l'Agneau Blanc.

La pente "suspendue" de la rive gauche.
Au-dessus du ressaut avant de sortir de la face.
Le ressaut passé en "piolet-ski" vu d'en bas.

dimanche 16 février 2025

Première trace dans la Grande Faille du Pécloz

Je l'avoue, je n'aurais pas été déçu de voir quelques traces de ski dans la face nord du Pécloz pour trouver l'entrée de la Grande Faille. Mais voilà, bizarre, personne n'y est allé ce week-end. Cette Grande Faille, je dois la chercher tout seul. Au lieu de terminer l'ascension sur l'arête ouest, j'improvise une traversée ascendante du versant nord qui me mène à ce qui pourrait être l'entrée de la ligne. Là, je ne vois rien de probant. Je me déleste de mon sac, descends 25 mètres et tout apparaît : la faille tapissée d'une neige intacte et sa rampe d'accès impeccable sur la gauche. Je remonte vers le sommet le cœur léger ; je vais enfin avoir ma chance dans la Grande Faille du Pécloz !

Face nord du Pécloz, je décide de la traverser pour repérer l'entrée de la faille.

J'ai trouvé la faille !

Arête sommitale du Pécloz.

J'ai quitté la rampe d'accès dès que j'ai pu pour entrer le plus haut possible dans la Grande Faille. Dix premiers virages très techniques, surtout ceux vers la droite où mes spatules ont gratté la glace vive saupoudrée de neige fraîche. En descendant, ça devient moins raide puis ça s'élargit dans la moitié inférieure. Conscient que je ne reviendrai pas de sitôt dans cette faille si singulière – vierge qui plus est – j'ai enquillé les virages comme un détraqué, jusqu'au bord de la crampe dans la jambe droite.

J'arrive à ski dans la Grande Faille.





Sortie de la faille. Faut remonter la combe à droite maintenant. Aïe !

La remontée à 2000 m et la descente en crampons de l'arête ouest – plus herbeuse et rocheuse que neigeuse – ont calmé momentanément mon enthousiasme. Avant que la fièvre du ski ne me reprenne sur la poudre soyeuse de la combe de Claret. Quelle journée ! C'était la fin pour moi d'un hiver bauju que je n'oublierai jamais, où j'ai pu revisiter le Trélod (couloir nord), l'Arcalod (face est) et découvrir la face nord de l'Arménaz ainsi que cette Grande Faille si « instagrammable » !

La face nord du Pécloz et sa Grande Faille vues du vallon d'Orgeval, une semaine avant ma descente.