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samedi 5 avril 2025

Calotte des Agneaux, face nord-ouest, diagonale rive gauche

La diagonale rive gauche dans la face nord-ouest des Agneaux.

Retour à la Calotte des Agneaux. L'objectif, cette fois-ci, était de skier le couloir Piaget ou la face nord-ouest directe. Les conditions de neige n'étaient pas optimales ce jour-là. Il restait de la poudre dans la partie large de la pente mais le couloir supérieur de la voie directe était en sale état. Le puissant soleil de la veille et le gel de la nuit ont pétrifié la neige et les traces existantes (croûte vitreuse). J'ai pu faire quelques beaux virages tout en haut de la face en rive gauche sur une pente de neige dure saupoudrée de fraîche ; ensuite 200 mètres de mauvais ski jusqu'à une sorte de collu qui m'a permis de basculer dans un couloir vierge, raide et tout poudreux (a priori correspondant à la voie "Les Ricains roux").

Le jour se lève sur le pic de Neige Cordier quand je commence l'ascension de la face nord-ouest des Agneaux.
La pente supérieure de la directe nord-ouest en mauvais état.
Glacier blanc.
Ma calotte au sommet de la Calotte !

D'humeur vagabonde après ce beau passage, je décide d'explorer la rive gauche de la face nord-ouest au lieu de plonger dans l'entonnoir du Piaget par lequel j'étais monté. Je compte trouver une hypothétique sortie alternative entraperçue sur certaines photos. Après une longue traversée assez poudreuse, fractionnée par quelques nervures ou fines goulottes gelées, je skie une large pente ombragée en neige fraîche qu'il me faut rapidement quitter car elle verse sur une falaise que je contourne par une croupe sur ma droite. Ici, je retrouve la croûte vitreuse honnie. Pire, il me faut passer un ressaut pour accéder au couloir de sortie. Désescalade ? Rappel ? Je reste sur les skis, dégaine le piolet (extrêmement utile pour une fois) et ça passe même si mes carres étaient à la limite de décrocher sur cette surface labourée et vitrifiée.

Dans ces conditions, la sortie classique et goulottée du couloir Piaget aurait été plus aisée. Cela dit, cette diagonale rive gauche vaut le détour et mériterait de figurer sur les topos de ski dédiés à cette superbe face nord-ouest de l'Agneau Blanc.

La pente "suspendue" de la rive gauche.
Au-dessus du ressaut avant de sortir de la face.
Le ressaut passé en "piolet-ski" vu d'en bas.

vendredi 28 mai 2021

La Calotte des Agneaux

« Jeunesse ! Jeunesse que tout cela ! »
Joseph Conrad, Jeunesse

Été 1994. Un été de Coupe du Monde. Les Bleus n'y étaient pas. Peu importe, Roberto Baggio, Hristo Stoichkov et Romario exprimaient le meilleur de leur art sur les pelouses américaines. Je m'en souviens, j'avais 12 ans. Les grandes vacances dans le Briançonnais au ciel bleu polarisé. Je suivais mon père en montagne. Un jour que nous montions en refuge, tout près de la petite cabane pastorale du col d'Arsine, je trébuchai. Le poids de mon sac à dos, le poids de mes crampons, de mon piolet que j'étais si fier de porter, ne me laissai aucune chance. Je m'étalai, la tête dans le sentier, le front percutant une pierre arrondie. Mon cousin me releva et dit « aïe ! là, c'est du sérieux ! », ou quelque chose comme ça. Mon visage en sang. Un trou au-dessus de l'arcade sourcilière droite. Sonné mais pas KO. Mon père déroula l'Elastoplast, me pansa du mieux qu'il put et me délesta de mon matériel d'alpinisme.
Pas de téléphone portable à l'époque. Décision fut prise de continuer jusqu'au refuge de l'Alpe de Villar-d'Arène, à moins d'une heure de marche. En chemin, nous rencontrâmes une cordée d'alpinistes qui descendait de la Calotte des Agneaux, la superbe pyramide blanche qui règne sur le vallon. On leur montra ma blessure. « Il faut quelques points de suture, dit le plus âgé. C'est à toi de voir, si tu ne te fais pas recoudre maintenant, tu auras une belle cicatrice. » Et l'alpiniste tourna la tête pour me montrer une balafre sur sa joue. Nous arrivâmes en plein déjeuner sur la terrasse ensoleillée du refuge de l'Alpe. Je me souviens des visages horrifiés, des moues écœurées des randonneurs apercevant mon front ouvert et sanglant. Un jeune pompier, qui se trouvait là, m'appliqua un pansement spécial pour recoller les deux lèvres de la plaie. Nous poursuivîmes jusqu'au refuge du Pavé. Le soir, fébrile, je me couchai sans rien avaler. Requinqué au réveil, je suivis sans peine mon père et mon cousin sur le beau rocher du pic nord des Cavales. Je fus recousu un jour plus tard à Briançon. Une radio du crâne confirma que j'avais la tête dure.
En direction du col d'Arsine. La Calotte des Agneaux, 3634 mètres, règne sur le vallon.