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vendredi 28 mai 2021

La Calotte des Agneaux

« Jeunesse ! Jeunesse que tout cela ! »
Joseph Conrad, Jeunesse

Été 1994. Un été de Coupe du Monde. Les Bleus n'y étaient pas. Peu importe, Roberto Baggio, Hristo Stoichkov et Romario exprimaient le meilleur de leur art sur les pelouses américaines. Je m'en souviens, j'avais 12 ans. Les grandes vacances dans le Briançonnais au ciel bleu polarisé. Je suivais mon père en montagne. Un jour que nous montions en refuge, tout près de la petite cabane pastorale du col d'Arsine, je trébuchai. Le poids de mon sac à dos, le poids de mes crampons, de mon piolet que j'étais si fier de porter, ne me laissai aucune chance. Je m'étalai, la tête dans le sentier, le front percutant une pierre arrondie. Mon cousin me releva et dit « aïe ! là, c'est du sérieux ! », ou quelque chose comme ça. Mon visage en sang. Un trou au-dessus de l'arcade sourcilière droite. Sonné mais pas KO. Mon père déroula l'Elastoplast, me pansa du mieux qu'il put et me délesta de mon matériel d'alpinisme.
Pas de téléphone portable à l'époque. Décision fut prise de continuer jusqu'au refuge de l'Alpe de Villar-d'Arène, à moins d'une heure de marche. En chemin, nous rencontrâmes une cordée d'alpinistes qui descendait de la Calotte des Agneaux, la superbe pyramide blanche qui règne sur le vallon. On leur montra ma blessure. « Il faut quelques points de suture, dit le plus âgé. C'est à toi de voir, si tu ne te fais pas recoudre maintenant, tu auras une belle cicatrice. » Et l'alpiniste tourna la tête pour me montrer une balafre sur sa joue. Nous arrivâmes en plein déjeuner sur la terrasse ensoleillée du refuge de l'Alpe. Je me souviens des visages horrifiés, des moues écœurées des randonneurs apercevant mon front ouvert et sanglant. Un jeune pompier, qui se trouvait là, m'appliqua un pansement spécial pour recoller les deux lèvres de la plaie. Nous poursuivîmes jusqu'au refuge du Pavé. Le soir, fébrile, je me couchai sans rien avaler. Requinqué au réveil, je suivis sans peine mon père et mon cousin sur le beau rocher du pic nord des Cavales. Je fus recousu un jour plus tard à Briançon. Une radio du crâne confirma que j'avais la tête dure.
En direction du col d'Arsine. La Calotte des Agneaux, 3634 mètres, règne sur le vallon.
Couchant.
Aube.
Vingt-sept années ont passé. Je ferme la porte du refuge d'hiver de l'Alpe du Villar-d'Arène, où dort un jeune randonneur, peut-être le premier à faire le tour des Écrins cette année. Mésanges et bergeronnettes chantent leur impatience du jour. Je n'ai pas dormi. Peu entraîné, je doute de mes capacités physiques en haute montagne. La Calotte des Agneaux brille au loin comme un morceau de lune. J'attache skis et chaussures sur le sac ; la neige m'attend plus haut, vers 2300 mètres, en direction du col d'Arsine.

Il me faut trois heures pour gagner le pied du couloir Piaget, dont une perdue dans le dédale des moraines. Monter, descendre, remonter, redescendre, remonter. Jeune alpiniste, une quinzaine d'année auparavant, j'ai bivouaqué au bord du lac du Glacier d'Arsine avant de gravir la Calotte des Agneaux. Je ne reconnais pas le secteur ; le lac et les pierriers sont sous la neige ce 28 mai.

Le pic de Neige Cordier s'illumine vers 7 heures. Je cherche mon chemin sur les moraines du lac du Glacier d'Arsine. 

Ma petite forme se confirme dans le couloir Piaget où je reprends mon souffle tous les quinze pas sur la neige ferme. Je débouche exténué sur la Calotte, y découvre une belle neige froide et satinée. Pas un mètre de glace visible. Un Snickers englouti en deux bouchées et la sensation de vide dans l'estomac disparaît. Une raide traversée me mène en plein centre de la face : un mur de glace souvent, aujourd'hui un champ de poudre printanière. Je donne de la voix, m'encourage comme si j'étais spectateur de mon effort. « Allez ! La Calotte ! La Calotte à ski ! Allez Gui ! » Le gamin qui trébucha au pied de la montagne en 1994 et le jeune homme qui la gravit dans les années 2000 me passent la force et la volonté qui me manquaient jusqu'ici. Euphorie au sommet, à midi pile. Je suis seul sur la montagne. La Calotte est à moi !

Selfie au sommet de l'Agneau Blanc.
Départ à ski dans la face nord-est.

Départ à ski du sommet dans la face nord-est directe, préférée au couloir Piaget abîmé par les purges de printemps, versant nord-ouest. Une touchette au deuxième virage, entre les rochers, puis une grosse touche au troisième – qui aurait pu me valoir le record de la descente de la Calotte la plus rapide –, me rappellent à l'ordre. S'ensuit une descente de toute beauté, 400 mètres de poudre tassée à 45-50 degrés. Le glacier Supérieur d'Arsine commence à peine à décailler ; je trouve le couloir de sortie, couvert d'une fine croûte facile à skier. Les moraines déroulent une moquette haut de gamme. Des pas et des pas de patineur sur les névés roses qui fêtent mon retour dans l'Alpe par une symphonie de « woooooush ! ». J'aperçois la petite cabane pastorale du col d'Arsine, tout près du sentier où je m'étais littéralement « fendu la gueule ». Longtemps marque de fierté, ma cicatrice s'est effacée. Je ne sens plus d'irrégularité quand je passe le doigt au-dessus du sourcil droit. Vingt-sept années ont passé.

La face nord-est de l'Agneau Blanc.
La voie skiée ce 28 mai 2021.

dimanche 28 mars 2021

Le mur de Tardevant

 « Une fois qu'on y est, on y est bien. »
Louis-Ferdinand Céline, Voyage au bout de la nuit

La face nord-est de Tardevant, massif des Aravis. Première descente à ski : Daniel Chauchefoin et Pierre Tardivel le 17 avril 1982. Photo Jérémy Janody

Le nez dans la pente. Mes crampons dans la semoule cherchent des appuis francs. Sous mes pointes, 300 mètres de toboggan inclinés à 50-55 degrés plongent sur un abîme rocheux. L'ascension devient inconfortable, il est temps de sortir de cette face nord-est de Tardevant. « Courte mais monstre raide ! », disent les skieurs des Aravis  ou d'ailleurs   qui s'y sont essayés. Je ne les contredis pas. Je trouve un point faible dans la corniche, y enfourne les manches de mes deux piolets et me hisse sur le plat de l'arête sommitale.

vendredi 19 février 2021

Réalité alternative dans la face sud de la Dent du Géant

Vendredi 19 février 2021, 9 heures environ. Ligne 8, rame bondée. Suis coincé entre une dame de 150 kilos, smartphone à l'oreille, hurlant dans une langue inconnue et un chauve épais comme un cintre qui parle tout seul à son kit mains libres. Les sifflements du vieux métro couvrent à peine leurs aboiements. Richelieu-Drouot, Opéra, Madeleine, Concorde, Invalides. Là, je me faufile hors du wagon, dépasse une caravane de femmes voilées avec poussettes sur le quai, enjambe une marche sur deux dans l'escalier et attrape l'infâme ligne 13 où « un incident s'est produit, nous vous prions de nous excuser pour la gêne occasionnée », m'apprend la voix off. L'incident n'empêche pas la rame de filer vers le sud de Paris et de se vider à Montparnasse. L'actualité défile sur mon Samsung ; rien d'inhabituel. Un clandestin soudanais a égorgé le responsable du centre qui l'accueillait. Un type habitué des plateaux télés, qualifié « d'intellectuel de gauche », est accusé de viol par son beau-fils. 

À l'air libre, j'ignore un Roms aux pieds nus qui joue mal son rôle de réfugié syrien et un autochtone affalé sur le trottoir en quête de pièces pour s'acheter des tickets à gratter. Parvenu dans le luxueux siège social de mon employeur, le triple bip du portique de sécurité m'indique qu'il faut mettre à jour mon badge. Ceci fait, je monte dans l'ascenseur précédé d'une très belle brune au teint frais, lui dit « bonjour » et détourne immédiatement les yeux afin que mon regard ne soit pas assimilé à celui d'un redoutable homme blanc hétérosexuel. Cinquième étage. Une machine me sert un mauvais ristretto, je salue une collègue souriante dans le couloir menant à mon bureau surchauffé à 25 °C contre ma volonté (un technicien doit passer dans l'après-midi).

Noire et Blanche de Peuterey, mont Blanc de Courmayeur, mont Blanc.

mardi 16 février 2021

Pointe Percée, face ouest

Patrie du reblochon, du gypaète barbu réintroduit et de quelques-uns des skieurs-alpinistes les plus accomplis  Daniel Chauchefoin et Pierre Tardivel en tête , la chaîne des Aravis culmine à 2750 mètres du haut de la Pointe Percée. La tectonique des plaques et l'érosion ont voulu que cette montagne de calcaire présente la plus belle architecture du massif. Séduit autant que moi par la Pointe Percée, fortement enneigée en ce mois de février de l'ère covidienne, Ross Hewitt et Tom Grant ont choisi de quitter, une journée, leur chère vallée de Chamonix pour m'accompagner dans ma tentative à ski. 
J'ai tiré la langue pour suivre mes camarades, dont le métier de guide leur garantit une condition physique enviable. Parvenues à la croix sommitale au prix d'une dispersion excessive de mes forces durant la longue ascension depuis l'espace nordique du Grand-Bornand, mes spatules ont cheminé avec celles de Tom et Ross dans la face ouest où nous avons skié de la neige fraîche en quantité insuffisante pour couvrir quelques sections de croûte gelée et brunie par le sable du Sahara tombé du ciel au début du mois. Des conditions de glisse moyennes, mais un vœu exaucé. Nous avons skié la Pointe Percée.

Nous accédons au pied de la Pointe Percée après une longue approche.

mercredi 27 mai 2015

Mont Blanc, face ouest, voie Saudan

Nous avons choisi la voie ouverte par Sylvain Saudan en juin 1973 dans le versant ouest du mont Blanc, supposant que cette ligne nous permettrait de descendre l'intégralité de la face sans utiliser la corde ni gratter les rochers skis aux pieds. Bonne intuition. Mille mètres de pur ski de pente raide partant directement du Toit de l'Europe !
Plan large du parcours effectué dans le versant Miage du mont Blanc. Photo DR
En Europe, un passionné de ski sauvage trouvera difficilement défi plus intéressant que la face ouest du mont Blanc. Attiré par les proportions himalayennes de ce versant reculé du Géant franco-italien, j'avais gravi l'éperon de la Tournette en août 2009. Une voie presque oubliée, ouverte au XIXe siècle, peu difficile techniquement mais d'une certaine ampleur. Depuis cette ascension solitaire, je fantasmais une descente à ski gargantuesque au cœur de l'austère paroi érigée aux confins du Val d'Aoste et de la Haute-Savoie.

dimanche 10 mai 2015

vendredi 24 avril 2015

Aiguille d'Argentière, couloir Barbey

Poumons encombrés, motivation en berne, je suis monté à l'aiguille d'Argentière par la voie normale afin d'améliorer ma condition physique de mésange asthmatique. Sommet atteint à 13 heures, dans les temps pour skier le couloir Barbey, versant suisse (tracé ci-dessus).

samedi 18 avril 2015

Mauvais Plan

Souhaitant goûter la neige fraîche tombée sans vent violent (cas rare cette saison), je fais équipe avec Jean et Martin. Nous profitons d'une éclaircie, en début d'après-midi, pour nous lancer dans la face nord du col du Plan. Rappel indispensable ce jour pour passer le mur de glace au sommet.

mardi 14 avril 2015

Aiguille du Goûter, couloir ouest

Aiguille du Goûter, versant ouest. Durant l'ascension, j'ai quitté l'axe du couloir pour basculer dans la face après qu'une pierre fusante m'ait heurté la cuisse droite. Pas de dégât. La neige était de médiocre qualité, majoritairement gelée, croûtée et irrégulière. L'enneigement était très faible tout en haut, de ma position je ne voyais pas la possibilité de skier depuis le sommet. Déçu, démotivé, je me suis arrêté une centaine de mètres sous le nouveau refuge du Goûter.

mardi 10 juin 2014

Col de la Brenva, face sud-est, ligne Tardivel

Col de la Brenva, face sud-est. Une ligne ouverte le 10 juillet 1988 par Pierre Tardivel. Déposé en hélicoptère au sommet, cette descente lui a servi d'échauffement avant de s'élancer le même jour dans l'impressionnante face nord du Grand Pilier d'Angle (tout à gauche sur cette photo). Une première qui n'a jamais été répétée depuis. Dans les années 80, les enchaînements avec transferts en hélico étaient à la mode chez les montagnards de pointe (Christophe Profit et Jean-Marc Boivin ont réalisé de grandes performances par ce moyen). Difficile de reprocher à Pierre Tardivel d'avoir abusé de l'hélicoptère au cours de sa carrière. Son palmarès unique au monde parle pour lui.

mercredi 28 mai 2014

Mallory !

Compte tenu de cette fin mai plutôt fraîche et neigeuse, je rouvre mon dossier consacré à la face nord de l'aiguille du Midi. En 2010, j'avais eu la chance de skier l'Eugster diagonale tapissé d'une excellente neige froide, de haut en bas. En revanche, l'année suivante, je n'avais pas su trouver les bonnes conditions pour descendre la voie Mallory-Porter (neige abominable dans les passages clés, plusieurs rappels et désescalades). Retour dans le Mallory cette année avec pour objectif de faire beaucoup mieux qu'en 2011. Mission accomplie, même si l'enneigement n'était pas optimal (deux rappels au lieu d'un seul quand l'itinéraire est bien rempli). Merci à Jacques Burcher qui s'est porté volontaire pour m'accompagner dans cette ligne, souvent citée comme la descente freeride la plus spectaculaire du monde.

mardi 20 mai 2014

Le grand Gervasutti

Superstar parmi les couloirs, le grand Gervasutti. On ne voit que lui dans la face est du mont Blanc du Tacul. 800 mètres à 45-50°. Le "skieur de l'impossible" Sylvain Saudan en a réalisé la première descente en octobre 1968. Ce couloir était coté D (difficile) dans le guide Vallot. J'imagine que la performance du moniteur de ski suisse a dû défriser pas mal de barbes et moustaches, à l'époque, au sein du milieu de l'alpinisme traditionnel.

samedi 10 mai 2014

A Day At The Spencer

Aiguille de Blaitière, couloir Spencer. Mon parcours favori dans le massif du Mont-Blanc. Une glisse haut de gamme au cœur des aiguilles de Chamonix. Il faut y aller pour comprendre... Sylvain Saudan fut le premier à skier le Spencer (45-50° sur 300 mètres), le 23 septembre 1967. Cette date a été retenue comme celle de la naissance du ski extrême. D'autres pentes quasiment aussi raides avaient déjà été skiées, notamment dans les Écrins, mais tout ce qui se passe à Chamonix résonne beaucoup plus fort.

lundi 14 avril 2014

Le Davin sinon rien

Voici la photo du couloir Davin, bordant le glacier du Casset, issue des 100 plus belles courses du massif des Écrins (Editions Denoël) de Gaston Rébuffat. L'histoire de ce couloir est singulière. Ici, il n'est pas question de rentiers britanniques se faisant tailler des marches par des guides de Zermatt ou Chamonix. C'est un prêtre local, l'abbé Davin, qui en réalisa seul la première ascension. Photo DR

vendredi 28 mars 2014

Paré de Joux, couloir nord-ouest

Situé en face du parking des Confins, à La Clusaz, le couloir nord-ouest du Paré de Joux est très prisé des junkies du ski "extrême".

jeudi 27 février 2014

Blonnière, face est, rampe Chauchefoin

Vue d'en bas, la rampe Chauchefoin de Blonnière (ouverte en 1984 par Daniel Chauchefoin) semble une destination intéressante pour les sociopathes sachant skier. Ne pas se fier à cette impression...