mardi 20 mai 2014

Le grand Gervasutti

Superstar parmi les couloirs, le grand Gervasutti. On ne voit que lui dans la face est du mont Blanc du Tacul. 800 mètres à 45-50°. Le "skieur de l'impossible" Sylvain Saudan en a réalisé la première descente en octobre 1968. Ce couloir était coté D (difficile) dans le guide Vallot. J'imagine que la performance du moniteur de ski suisse a dû défriser pas mal de barbes et moustaches, à l'époque, au sein du milieu de l'alpinisme traditionnel.
J'ai passé une nuit dans les couloirs de l'aiguille du Midi, en compagnie des légendes du massif du Mont-Blanc. Je devais descendre à l'abri Perroux, mais le vent tempétueux et la visibilité nulle m'en ont dissuadé. Les gardiens de l'aiguille m'ont ouvert les toilettes chauffées sans que je ne leur aie rien demandé. Merci. Dans une salle d'exposition ouverte récemment, tournait en boucle une vidéo de Marco Siffredi surfant superbement la poudre du Gervasutti. Je n'imaginais pas que j'allais goûter la même neige dans les heures à venir.
À partir de 6h30, les nuages libèrent enfin la face nord du Tacul par laquelle je vais monter pour rejoindre l'entrée du couloir.
J'ai pu partir skis aux pieds de la grotte de glace. Attention à la crevasse, côté Mallory, et à la glace grise versant Vallée Blanche.
Une crevasse à franchir dans le bas de la face nord du Tacul. Facile, mais la neige légère déposée par le vent donnait à la lèvre inférieure une allure de pont de neige fragile. J'ai préféré m'encorder à mon sac et mes skis que j'ai hissés après le pas franchi.
Les sinistres séracs qui surplombent le couloir Gervasutti. Ils étaient plus imposants dans les années 2000, où plusieurs accidents mortels se sont produits. Le danger reste le même.
Au seuil d'un formidable morceau de légende du ski extrême. Plein soleil, pas de vent, couloir parfaitement lisse et vierge. Aucun skieur de pente raide ne peut résister à la tentation du Big Gerva dans ces conditions. Départ à 10h, je skie d'abord le flanc de la corniche sommitale, bien raide, puis je continue 150 mètres en rive gauche sur une neige revenue avec un fond dur. Le bon ski vire au très grand ski quand je traverse vers l'axe et la rive droite du couloir. Un immense champ de poudre tassée incliné à 45-50°. Rien d'autre à faire que de garder les épaules dans la ligne de pente !
Première pause après 300 mètres de ski fantastique sur le ventre du Géant. Il me faut souffler, boire un coup et enlever une couche de vêtement. Je vais rester en rive droite jusqu'en bas. La neige baissera un peu en qualité dans le dernier quart du couloir (fond verglacé parfois). Saut de rimaye négligeable, à peine plus d'un mètre. La descente m'a pris une petite demi-heure.
En remontant à l'aiguille du Midi, je pouvais observer ma trace dans le Gerva. J'espérais pouvoir la distinguer sur mes photos. Raté, la lumière est trop intense.

2 commentaires:

  1. Magnifiques photos
    Une descente de légende
    Bravo!
    David S.

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    1. Merci David, je commence tout juste à réaliser que descendre un couloir aussi prestigieux dans de telles conditions n'arrive qu'une fois ou deux dans une vie de skieur. Inoubliable !

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