jeudi 27 février 2014

Blonnière, face est, rampe Chauchefoin

Vue d'en bas, la rampe Chauchefoin de Blonnière (ouverte en 1984 par Daniel Chauchefoin) semble une destination intéressante pour les sociopathes sachant skier. Ne pas se fier à cette impression...
La rampe suspendue, tracée ici, s'avère large et confortable. Le couloir d'accès est de facture classique, pas trop raide (45-50°). Ceci dit, une ligne d'une telle beauté ne se donne pas si facilement : une courte traversée (20 mètres) très inclinée, extrêmement exposée, relie le couloir et la rampe.
Elle est considérée, à juste titre, comme l'une des plus belles descentes des Aravis. La rampe Chauchefoin se déploie dans la face est des pointes de la Blonnière. Skiable chaque année mais les créneaux pour y trouver des bonnes conditions sont serrés. Trois semaines que j'attendais une vraie journée hivernale pour tenter ma chance. J'ai brassé comme une loutre pour remonter la ligne, découvrant une excellente neige poudreuse excepté dans la fameuse traversée "hyperexpo" avant d'accéder à la rampe. Quatre ou cinq mètres, plein gaz, étaient couverts d'une croûte de glace brunâtre. Après être passé sur les pointes avant de mes crampons, il était signé et paraphé que je ne tenterai pas de franchir ce "truc" skis aux pieds.
Saturée d'une neige de rêve, la rampe fut dégustée en deux minutes. Lorsque je me suis présenté dans ladite traversée, mon orgueil, auquel je n'avais rien demandé, me tint à peu près ce langage : "Le bordel a ramolli au soleil, pas la peine de perdre du temps à mettre les crampons. Si tu ne sais plus t'engager en montagne, va faire du pédalo sur le lac d'Annecy ! Ce sera aussi efficace que le ski pour entretenir ton hâle permanent. Tu ancres fermement le piolet, tu cognes les carres pour assurer l'appui. Ça ira..." 
OK, voyons ça. Le début de la traversée se déroule sereinement mais à l'approche du crux repéré à la montée, mes semelles flottent dans le gaz. Je suis sur les carres, ça tient bien, le piolet est solidement ancré. Ce faisant, dans ma tête, se joue la Retraite de Russie. Mon orgueil a fermé sa gueule. Je soupçonne ce con d'être allé se planquer dans la boutique de souvenirs du col des Aravis. Je penche la tête et les épaules dans le vide pour l'apprivoiser mais, cette fois-ci, ça ne fonctionne pas. Trois semaines que le marque-page de mon Toponeige est figé sur la rampe Chauchefoin, la photo de la face, je l'ai matée cent fois. Sous mes planches, un défilé de barres rocheuses et de cascades de glace. Rien à espérer en cas de chute, si ce n'est d'être tué sur le coup. 
Je recule délicatement, remonte péniblement deux mètres en me tractant au piolet et trouve une zone avec suffisamment d'épaisseur de neige pour ôter les skis et enfiler les crampons. Le passage redouté s'avère plus tendre que dans la matinée, mais je dois quand même cogner du pied deux fois pour assurer chaque pas. Je rechausse les skis en haut du couloir final, soulagé d'avoir pris la bonne décision.
Au premier plan, la traversée expo. L'eau de fonte ruisselle sur la roche et, par l'action du gel, crée une croûte de glace rendant le passage à ski vraiment risqué. Au second plan, l'empreinte d'une plaque que j'ai déclenchée sans m'en apercevoir en passant vite. Une seconde plaque de même importance partira sous mes spatules dans le coude du couloir final.
Autre point de vue sur la fameuse traversée. Orientée sud, elle prend longtemps le soleil.
Ambiance sauvage dans la face est de Blonnière, pourtant située à quelques centaines de mètres du très touristique col des Aravis.
Soleil voilé quand je commence à remonter la rampe. Il me faudra encore deux heures de brassage pour atteindre le sommet... Et deux minutes pour skier cette section en neige parfaite.
Le bout de la rampe. On sort facilement sur l'arête à gauche, où les corniches sont dociles.
Après quelques travaux d'aménagement de la corniche, je suis prêt à m'élancer dans la rampe Chauchefoin.

3 commentaires:

  1. Bravo et merci pour le commentaire plein d'humour et d'humilité !!!

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  2. La petite "parisienne" que je suis est toujours autant impressionnée. Bonne continuation Guilhem. A bientôt peut-être.

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    1. On se reverra, j'espère, avant que je parte tenter ma chance dans le Nouveau Monde. A bientôt.

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