mardi 24 janvier 2012

Fin de saison fracassante

Deux sessions dans la poudre au Plan de l’Aiguille et aux Grands-Montets, trois randos dans les Aravis. Et puis rideau. Ma saison de ski 2012 s’est achevée le 9 janvier à La Clusaz. Dans le couloir des Croix, en face nord de l’aiguille des Calvaires. J’avais eu le privilège d’y faire la première trace dans la matinée. Une belle diagonale avalée en quelques mouvements de bras et d’épaules avec du costaud aux pieds : 115 mm au patin, 32 mètres de rayon. Comme sur des rails. Facile. L'avalanche, c'était le risque. Rien n’a bougé.
L’esprit tranquille, j’y suis retourné l’après-midi après avoir écumé les itinéraires hors-piste classiques de la station. Il n’y avait qu’une trace supplémentaire. Dans la rampe finale, mes spatules ont tapé je ne sais quoi sous la poudre légère. J'ai rétabli immédiatement mon équilibre en chargeant mon ski aval. Mais ce traître s’est barré. Stupeur et plongeon inéluctable dans deux bandes rocheuses successives. Fracas. KO. Passé la sidération, je me suis senti indemne. Le crâne, les bras, les épaules, le dos, le torse… Tout bon ! Sans m'alarmer, j'ai remarqué que ma jambe gauche déviait franchement vers l’extérieur, à partir du genou. Désaxée, cassée.
Pas un rider à ce moment-là, dans cette combe épargnée par les remontées mécaniques. J’ai commencé à ramper en direction de mes gants, mon bonnet multicolore, mon masque. Quelques taches de sang coloraient ma pénible reptation. Moche à voir. La peur est montée de dix crans. Fini de jouer les Joe Simpson au Siula Grande. Dans ma poche, mon portable. Le 112. Avant l’arrivée des Supermen du PGHM d’Annecy, deux Samaritains ont répondu à mes appels au secours. Ces moniteurs de l’Ecole de ski internationale (ESI) de La Clusaz s’offraient une belle descente depuis la Porte des Aravis. Ils m'ont vu trembler, claquer des dents, m’ont enfilé des moufles, m’ont protégé avec leurs vestes à l’arrivée tonitruante de l’hélico.
Photos du secours signées Ludovic Sivignon, moniteur à l'Ecole de ski internationale (ESI) de La Clusaz.
Un gendarme et un médecin ont pris le relais. Aidés des moniteurs, ils m’ont placé dans un confortable brancard en plastique. Hélitreuillage. La toupie dans les airs puis le calme à bord de la machine. Fin de la rotation à l’hôpital d’Annecy. Les urgences. Quelques points de suture pour rafistoler la chair perforée entre mes lèvres et mon menton. Une infirmière concentrée. Traits et cheveux fins, pas de maquillage. Ses gestes précis. La morphine magique dans mes veines. Des prises de sang, des radios, un scanner…
Diagnostic : fracture complexe du plateau tibial. En clair, genou gauche explosé. Plus emmerdant qu'un couple tibia/péroné cassé, l’articulation a dégusté. « Votre cartilage est endommagé, m’a expliqué le chirurgien. Comme s’il avait été enfoncé à coups de marteau. Vous pourrez refaire tout ce que vous faisiez dans un an. Mais votre genou ne se comportera plus comme avant… » L’opération, sous anesthésie générale, a eu lieu le lendemain du crash. « 2h30 de chantier », dixit le maître d’œuvre. Une plaque et des vis seront retirées dans 18 mois.
Dix jours d'hospitalisation avant d'intégrer un centre de rééducation.
Je connaissais les règles. Celles du freeride en station sont moins radicales que les lois du ski de pente raide. Inutile de soutenir une thèse en Sorbonne sur les conséquences d’un même incident dans la face nord de l’aiguille du Midi. Pas excessive, la sanction. J’aurais pu m’éclater le crâne – pas de casque – ou me briser une vertèbre.
Adieu veaux, vaches, cochons, col du Varo, Whymper, Couturier… Mes objectifs cet hiver et ce printemps : retrouver une flexion normale du genou, marcher et conduire à nouveau pour reprendre mon travail en juin. La montagne ? Retour prévu aux calendes grecques. Mon genou gauche décidera. Ma période de rééducation devrait m’inspirer quelques billets, mais ce blog s’éteindra au fil des semaines. Je salue les internautes de Suisse, d’Italie, de Belgique, de France et d’Amérique du Nord, qui consultaient régulièrement ce site.
Remerciements
Adressés aux moniteurs de l’ESI de La Clusaz (Ludovic et son collègue), aux pisteurs de la station qui ont récupéré mon matériel, au pilote et mécanicien de la Sécurité civile, au PGHM d’Annecy, au médecin du Smur qui accompagnait les secouristes, à l’équipe des urgences de l’hôpital d’Annecy (CHRA), à mon chirurgien, aux infirmières et aide-soignantes du service orthopédique du CHRA. À ma mère et à mon père qui ne m’ont pas jugé à l’aune de cet accident.

18 commentaires:

  1. salut Guilhem,

    Je te souhaite bon courage pour ta rééducation,et je suis certain qu'on se croisera l'année prochain en montagne ou dans la benne des Grands!
    Soit fort.A bientôt.
    Max Claret-Tournier

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  2. Merci Maxime,

    Ces mots venant d'un Chamoniard sont réconfortants. Si mon genou guérit bien, je retournerais dans le Mont-Blanc. En douceur.

    Bonne saison, reste vigilant là-haut

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  3. Salut,

    Je suis navré pour toi !

    Je consultais ton site avec toujours bcp de plaisir. Je te souhaite une excellente guérison et espère lire tes aventures à nouveaux rapidement.

    Bien à toi,
    Manu

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    1. Merci Manu,

      Tu trouveras de nouveaux liens dans la blogroll, à droite. Des blogs de skieurs-alpinistes pros ou amateurs qui feront de belles choses cet hiver et ce printemps. Ma progression est stoppée nette, mais je n'ai pas encore perdu l'espoir de skier la Verte en chaussant au sommet. Je ferai le point quand je serai en mesure de remonter sur mon vélo.

      Bonne saison

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    2. Ola,

      Yep j'ai vu ton blogroll. J'en connais quelques uns pour avoir déjà partagé quelques descentes. Merci pour ta réponse et j'espère que tu remonteras vite sur ton vélo afin de concrétiser ton projet à la Verte. Si tu souhaites j'ai aussi un blog ou je présente certaines réalisations.

      manugross.wordpress.com n'hésite pas à aller guigner ;-)

      Ciao,
      Manu

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  4. Coucou!
    Zut! Je suis désolée pour toi... J'espère que tu te rétabliras vite!
    En attendant de lire de nouveaux articles (toujours avec plaisir) je te souhaite un bon rétablissement.
    Laetitia

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  5. Au fait, dans le feu de l'action j'ai oublié de me présenter: quand je passe mes concours d'orthophonie tes parents gentiment m'hébergent.

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    1. Bonjour Laetitia,

      Merci pour cette marque de sympathie. Mes parents m'ont parlé de ton passage à Besançon. J'espère que tes concours on été couronnés de succès.

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  6. Merci!
    J'aurai mes résultats de Besançon au mois de mars.
    D'ici là je vais faire mon Tour de France.

    Prends soin de toi.

    Laetitia

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  7. Salut Guilhem,

    En tant que suiveur occasionnel de ton blog avec beaucoup de plaisir, je suis désolé de ton accident et te souhaite tout bon rétablissement!
    Garde courage tout au long de ta rééducation, afin de nous faire profiter à nouveau de tes beaux comptes-rendus.

    Tout de bon,

    Guillaume

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    1. Merci Guillaume,

      Ma rééducation suit son cours, quelques mois vont s'écouler avant que mon genou retrouve une flexion efficace. C'est un accident mineur comparé aux drames qui surviennent régulièrement en montagne. J'espère que je serai à nouveau capable de skier en haute montagne en 2013. Dans ce cas, je me ferai un plaisir de mettre en ligne mes photos sur ce site. Je ne m'attendais pas à tous ces messages de soutien. Merci.

      Bonne saison,

      Guilhem

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  8. Après avoir découvert une belle photo de secours au Chardonnet, je découvre que tu as été secouru à ton tour...
    BON COURAGE ET BON RETABLISSEMENT
    Guy PGHM CHAMONIX

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    1. Re-bonjour Guy,

      Merci pour ces encouragements. Je marche sans cannes depuis quelques jours, moins de trois mois après l'accident. J'ai laissé un message dans le post précédent, consacré au Chardonnet, au cas où tu souhaites récupérer les fichiers "haute définition" des photos de ton intervention dans la goulotte Escarra.

      Bien à toi,
      Guilhem

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  9. Salut Guilhem,
    le lisais toujours avec attention, intérêt et admiration tes sorties de C2C.
    Un peu surpris de ne rien trouver sur 2012 j'ai poussé ma recherche un poil plus loin, pour découvrir ceci.
    J'espère que tu reprends du poil de la bête. Je connais l'adversité, (98, Charvet, avalanche), quand on a la volonté et qu'on n'est pas totalement cassé alors on revient, je sais donc que l'année prochaine on lira tes récits de nouveau pour notre plus grand plaisir.
    Take care.
    Hervé (C2C / Lutin)

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    1. Merci Hervé,

      C'est rassurant de savoir que tu as pu revenir après un sérieux accident. Pour ma part, j'essaierai de tout recommencer à zéro l'an prochain pour tourner la page de ce stupide crash qui m'a coûté un genou. Beaucoup de montagnards plus compétents que moi ont payé un prix largement plus élevé.

      A un de ces jours sur C2C,
      Guilhem

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  10. Salut Guilhem

    Comment va la patte ? L'hiver arrive, je doute que tu sois déjà rétablit au point de laisser ta signature sur les belles pentes alpines .

    Je te souhaite de passer nenamoins un bon hiver .

    Laurent ( www.piolet15.com )

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    1. Bonjour Laurent,

      Je vais mieux merci. Depuis septembre, je suis capable de marcher quelques heures en montagne sans souffrir, même à la descente. En revanche pour le ski, je ne me fais pas d'illusion : les neiges trafolées et irrégulières, les chemins étroits en forêt seront impraticables pour moi. Je ferai quelques virages quand la poudre arrivera sur Annecy mais je n'insisterai pas si ça ne va pas.

      Ma priorité, c'est de faire retirer la "boîte de vis" que j'ai dans le genou pour voir le résultat final. Je dois attendre un an encore... Mais mon chirurgien pourrait s'en occuper avant si ma guérison continue à ce rythme.

      Bonne saison, en te souhaitant de continuer à faire les bons choix en montagne,

      Guilhem

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  11. Salut Guilhem,

    Je viens de faire 4 h de voiture entre Pringy et Cran Gevrier !!!!Vive les bouchons Mon genou m'a pas trop apprécié de rester immobile à 90° dans la voiture pendant tout ce temps. J'ai pris mon forfait saison. Mais bon je vais devoir choisir aussi ma neige!
    Cette année je bosse! J'ai une terminale S à Baudelaire. Je sais ce qu'est bosser cette année. Jusqu'aux vacances de Toussaint je bossais plus de 60 h par semaine. J'espère que ton boulot est aussi intéressant que le mien cette année à défaut d'avoir un genou au top.
    A plus.
    Loïc

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